Mission Bosnie

 

Compte-rendu Mission Bosnie
Mercredi 25 mai -Dimanche 29 mai 2022

 

 Départ mercredi 25 mai de Lyon 

Accueil à l’aéroport de Sarajevo par Sejad… convivialité, générosité et hospitalité sont au rendez-vous comme d’habitude, au milieu de sa famille. Contents de se revoir et plaisir de faire connaissance avec Dominique, Québécois de 50 ans qui était présent à Srebrenica en 1993. C’est un ancien casque bleu de la force PRONU. Son témoignage et ses souvenirs nous confortent dans le fait que l’ONU s’est montrée incapable de protéger la population civile durant la guerre des Balkans sous prétexte de neutralité. « Il fallait soigner les blessés discrètement sous peine d’être considéré comme complice par le camp adverse » Dominique.

 Rencontre avec Alma et son mari
Elle est la présidente de Green Art Sarajevo et parle bien français (famille du côté de Perpignan). Avec les enfants des écoles, elle récupère des déchets plastiques pour en faire des œuvres d’art (pots de fleurs, bancs, tapis…) Elle nous parle de sa ville, Sarajevo, qu’elle a vu changer avec cette guerre et les années qui ont suivi : fuite des intellectuels à l’étranger et arrivée de nouveaux habitants en provenance des Sandjaks (régions agricoles et frontalières). L’art n’est plus une priorité dans un pays en crise identitaire et économique. De plus, Alma avec ses idées « humanistes et éclairées » pour une Bosnie plurielle, n’est pas très bien vue par les nationalistes de tous bords. Nous avons évoqué nos projets respectifs pour les prochains mois et avons convenu de rester en contact par le biais des réseaux sociaux. Retour en soirée pour un bon repas, quelques moments d’échanges avec Sejad et un repos mérité !

Jeudi 26 mai: Après un bon petit déjeuner et avoir croisé le papa de Sejad et son large sourire, on retourne sur Sarajevo à la recherche d’artisanat. Il fait très chaud et nous achetons quelques miroirs, et dessous de tasse, en espérant pouvoir acheter d’autres objets à Burnice.

Rencontre fortuite avec une française sur le parking d’un supermarché à Sarajevo. Retraitée bretonne et installée à Sarajevo, elle est responsable d’une asso qui se préoccupe du bien être animal, en particulier chiens et chats = beaucoup de travail et de responsabilités. Beaucoup de chiens abandonnés à qui il faut trouver de nouveaux maitres ou des pensions pour pouvoir les accueillir. « L’ambassade de France se désintéresse de nos projets et actions »

Départ pour Burnice avec Dominique et Sejad. Pause repas sur la route et arrivée dans l’après-midi à Olovo.

Ville de Olovo : arrêt dans cette ville pour déposer des maillots de basket offerts par le BC Dombes de Saint André de Corcy. Olovo est une charmante petite ville qui vit d’un passé riche au niveau historique (Steccis) et industriel (mines de plomb) et d’un présent bien actif avec des thermes et quelques petites industries. Rencontre au stade, flambant neuf, avec l’entraîneur de basket d’une équipe de jeunes filles. Echanges sympas avec remise de maillots et bracelets d’Isabelle (depuis, nous avons reçu les photos de ces jeunes basketteuses + basketteurs avec maillots et bracelets). Promis, quand nous reviendrons, nous passerons à Olovo pour rencontrer et supporter cette équipe.

Avant d’arriver à Burnice, pause chez Djile, pause d’une heure et quelques minutes pour échanger, toujours avec plaisir. Il est en meilleur forme qu’il y a 3 ans lors de notre dernière visite en Bosnie. Il a pris du recul sur l’organisation de la marche de la Paix et dorénavant prends soin de lui. Peut-être, a-t-il fait le deuil d’une Bosnie multiethnique et laissé ce combat pacifique sans fin à d’autres. Nous arrivons tard chez Asim, mangeons et convenons de discuter avec Asim de nos projets le lendemain.

Vendredi 27 mai: Après le petit déjeuner, nous parlons avec Asim des projets passés et futurs. Jean-Luc le remercie d’abord pour son accueil et le travail qu’il fait pour le bien des habitants de son village et expose en quelques mots les objectifs de notre association et les attentes. Nous souhaitons en particulier que dorénavant sur chaque site où nous intervenons, nous puissions construire des projets avec et autour d’une communauté, d’un groupe de personnes, d’enseignants…et non plus autour d’une seule personne ce qui est le cas en particulier ici à Burnice. Un groupe de personnes = échanges-dynamisme-suivi des projets-crédibilité vis-à-vis de nos donateurs. Nous souhaiterions également rencontrer les habitants de Burnice, en dehors de la famille de Asim, et pourquoi pas, pouvoir dormir ailleurs que chez Asim ?

Retour de Asim sur les projets menés ces dernières années par Edm :

-Les ordinateurs achetés en 2016 : Asim n’a jamais vraiment su ce qu’ils sont devenus. Pour rappel : 1 ordinateur par école : Burnice, Kravica et Konjevic Polje
-Les chèvres et les moutons, nous ne pouvons pas les voir et d’après Asim, ils auraient fait des petits qui ont été distribués à une autre famille mais le cercle vertueux s’est arrêté à ce niveau.
-Les jeux de société, nous n’en n’avons même pas parlé
-Les packs santé et alimentation, Asim avoue à demi-mots que c’est lui qui a décidé vers qui iraient les colis alimentaires, avec l’aide de son frère et d’une autre personne ? Nous n’avons pas pu en discuter avec Admir son frère invisible durant notre séjour !

Jean-Luc aborde avec pédagogie notre vision de créer des cercles vertueux en rappelant que nos moyens sont limités et le fruit de beaucoup de travail et recherche en France pour trouver des fonds. Puis suggère à Asim de s’entourer de personnes de confiance au sein du village afin que toute la responsabilité ne repose pas que sur lui.

Asim explique qu’il a « hérité » de beaucoup de responsabilités depuis la mort de son père et qu’il est aujourd’hui président de Drina, une association qui regroupe les agriculteurs locaux afin de s’entraider et mutualiser leurs ressources. Chacun cotise 15 KM (8€) par an en théorie. Asim aimerait déjà qu’au sein de cette association, plus de personnes puissent s’investir, mais que peu aurait les compétences pour le faire. Il souligne une amélioration depuis quelques temps, notamment pour la rédaction de comptes rendus avec des secrétaires de séance tournants. Du coup, il lui semble bien compliqué qu’au sein du village, de Burnice, plus de personnes s’impliquent… Nous lui demandons de réfléchir sur ce point dans la journée et nous en reparlerons le soir.

Rencontre avec l’enseignante de Burnice et… son élève, une seule élève alors que cet établissement pourrait en accueillir 50 ou 60 ou plus encore. Pourquoi cette désertion ? Exode rural pour les grandes villes, voire pour l’étranger. Et puis, l’école de Burnice se trouve en Republika Sprska, donc programme scolaire imposé par Banja Luka, programme serbe avec écriture cyrillique et vision de l’Histoire de la Bosnie parcellaire et réécrite (pas de génocide à Srebrenica mais un simple fait de guerre). Les familles bosniaques, familles de confession musulmane, refusant ce diktat des autorités serbes de Bosnie, ont décidé de créer une école pour les enfants de leur village à Nova Kasaba = situation bloquée.

Rencontre avec Stanko directeur des écoles de Kravica, école enfants serbes, Konjevic Polje, école enfants bosniaques et Burnice avec son élève. Bel accueil de Stanko autour d’un café. Retour sur le projet 2019, plutôt positif.(jeux entre enfants serbes et bosniaques). Stanko est prêt à repartir sur un tel projet s’il est encore directeur l’année prochaine car mutation possible. Question à Stanko : quel ressenti quand il ne voit qu’un seul élève présent à l’école de Burnice ? « De la déception car on aurait pu trouver un terrain d’entente entre les familles et l’administration, chacun aurait pu faire un pas en direction de l’autre…pour les enfants ! Ici aussi, moins d’élèves dans cette école que les années précédentes = exode rural. Envoi sur le mail de Stanko du lien Youtube pour visionner le reportage réalisé en 2019 sur les jeux avec les enfants des villages de Burnice et Kravica.

A notre retour en début de soirée et après relance de Sejad et Jean-Luc dans les rues du village, une dizaine d’enfants viennent voir le reportage « les Enfants de Srebrenica » film réalisé par Quentin et Jean-Luc en 2019. Un partage ensuite de quelques bonbons et les enfants rejoignent leur foyer. Pas de parents présents mais en revanche le plaisir de revoir Esko avec ses enfants, un habitant du canton de Pobudje dont fait partie le village de Burnice. Esko est francophone et accompagne parfois des groupes de français (rares ces temps derniers avec la Covid19). Au sujet de l’organisation de cette soirée, malgré plusieurs mails envoyés à Asim pour l’informer de notre souhait d’organiser une telle projection, les enfants n’ont été informés de notre présence que le soir même de la projection !

Nous poursuivons la discussion avec Asim en soirée, avec l’espoir que les choses évoluent un peu = proposition faite par Jean-Luc de le recontacter, par Viber ou Mesenger, en octobre, lorsqu’Asim aura plus de temps avec la fin des travaux dans les champs.

Discussions autour de l’état du terrain de jeux : détritus en tout genre, pièces mécaniques automobiles abandonnées, voitures garées sur l’aire de jeux, panneaux de baskets délabrés, herbe non fauchée….Asim est conscient de cet état de délabrement mais semble bien seul, à la manière d’un Don Quichotte face aux moulins !. Au sujet de l’accueil de touristes au village, il serait judicieux de faire un recensement des habitants intéressés par un tel accueil à la maison mais avec un engagement moral et signature d’une charte d’accueil = par exemple participation au nettoyage du village. Idée d’Asim d’organiser une journée nettoyage de printemps par tous les habitants du village.

Autre sujet à rediscuter : revalorisation et évacuation des déchets du village car pas de ramassage organisé !

Nous achetons un peu d’artisanat et du miel avant de nous séparer pour la nuit.

Samedi 28 mai: Après un bon déjeuner et quelques photos, nous repartons en direction de Sarajevo. D’abord une halte chez Djile, que l’on pourrait écouter des heures durant. Pour Djile, la situation politique est plus stable qu’en début d’année. L’invasion de l’Ukraine par les forces russes pouvait faire craindre le pire du côté des sécessionnistes serbes. Aujourd’hui, les déconvenues de l’armée russe ont calmé semble-t-il les ardeurs des nationalistes serbes. Djile reconnaît par ailleurs tout le travail et le mérite de Asim pour le bien de la communauté ces dernières années…ce qui nous incite à poursuivre avec lui ( mais plus tout seul) sur d’autres projets.

Une halte sur la route pour déguster les meilleurs Burek de la région et nous sommes de retour chez Sejad.

Dimanche 29 mai

Retour à la maison, la tête pleine de souvenirs, d’images et de mots et un sentiment mitigé où se retrouvent pêle-mêle l’accueil toujours aussi chaleureux de Sejad et sa famille, les échanges riches et intéressants autour de la Bosnie avec Djile, Alma, Asim…un plaisir toujours aussi fort de retrouver ce pays si attachant. Mais aussi un sentiment de gâchis avec cette disparition des ordinateurs, ce cercle vertueux qui ne l’est pas et ces packs santé-alimentation redistribués à qui ? Aurions-nous dû être plus vigilants dans cette distribution et demander plus de garanties ? On peut espérer que notre volonté que Asim puisse s’entourer de gens de confiance au sein de sa communauté, permette à l’avenir d’éviter ce genre de déconvenue. Finalement, ce qui a le mieux fonctionné ce sont les échanges et rencontres entre enfants de Burnice et Kravica en 2019, sans apport de matériel ni soutien financier…à méditer pour nos prochains projets ici.

Le sentiment aussi très fort que ce pays est figé depuis les accords de Dayton en 1995 et que les habitants de Bosnie-Herzégovine sont écrasés encore et toujours par le poids du passé, la fidélité sans faille à leur communauté et par l’omniprésence des partis ultra-nationalistes. Les inquiétudes de Asim en début d’année au sujet d’un éclatement de la Bosnie-Herzégovine nous rappellent encore une fois toute la fragilité des Balkans. Enfin, le sentiment quand même de notre utilité ici que l’on retrouve à travers les propos de Djile « Tant que les étrangers viennent ici, ça ira ». Cela donne encore aujourd’hui une grande partie du sens à la marche de la Paix et aux actions solidaires d’Enfrance du Monde.

Rapport finalisé le 5/06/2022

Laurent Desroches et Jean-Luc Berbezier

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