Nous nous retrouvons en cet après-midi du 11 juillet au Centre Emmaus International à Potocari. Il s’agit de faire un bilan sur la marche 2018 avec une trentaine de participants français. italiens, suisses et en présence de Djile et Ivar, coorganisateurs de cette marche de la paix depuis 2005. Ci-dessous petit compte-rendu de cette rencontre.
- situation politique et économique toujours tendue en Bosnie-Herzegovine entre les différentes communautés, attisée par des partis politiques nationalistes. Djile estime que si rien ne change dans ces prochaines années, c’est fini pour les Bosniaques en RS (l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine). En effet faute d’une maîtrise des conditions politiques et d’un développement économique suffisant, les nouvelles générations ne resteront pas, ou en trop petit nombre. Djile constate aussi que les pays du Golf investissent dans des hôtels et résidences en Fédération (l’entité Croato-Musulmane de Bosnie-Herzégovine), mais pas en RS. Sarajevo, nouvel eldorado des pays du Golf
- Djile nous rappelle que le problème principal au niveau de l’organisation de cette marche, n’est toujours pas résolu. Il s’agit de l’achat des terrains qui servent pour l’accueil des marcheurs dans les campements. Chaque année, il doit renégocier avec les propriétaires de terrains, en payant assez cher pour la location. Afin d’acheter ces terrains, en tout 305’000 m2, il faut trouver 200’000 KM (ou 100’000 euros) par terrain. Impossible de négocier sans avoir l’argent en main. Il faut également résoudre le problème du titre de propriété. L’idéal serait que cela soit une fondation (ou plusieurs), comme Emmaus International par exemple, qui puisse acheter les terrains. L’achat des terrains permettrait la construction de bâtiments en dur qui serviraient aussi pour les habitants le reste de l’année, avec une salle, des w.c. et des douches, avec raccordement à l’eau et à l’électricité. Des équipements annexes peuvent être envisagés : une scène avec sono, parkings, lieux de pique-nique. Un tel aménagement faciliterait aussi la participation des femmes à la Marche pour la Paix.
- Au niveau de la gestion des déchets, Djile relève que le problème des déchets concerne toute cette région : les travaux d’aménagement du Centre de récupération, de tri et recyclage qui regroupe dix municipalités, sont bloqués faute du financement promis par l’Union européenne. Djile n’attend plus rien de l’Union européenne, dont les représentants sont hypocrites et trop passifs face à la corruption locale. Il n’y a donc pas de possibilité de trier et recycler les déchets. Une équipe de ramassage nettoie à chaque marche le Chemin de Paix après notre passage.
- Ivar rappelle que les démarches en Suisse pour inciter des associations de marcheurs ou clubs de randonneurs à venir en Bosnie sur le Chemin de Paix entre avril et octobre, restent sans réponse. Il y a quelques années, nous avions même organisé des tournées dans les écoles avec présentation du pays et témoignage d’un survivant de Srebrenica. Florence Hartmann avait également présenté la problématique de la Bosnie-Herzégovine devant 500 élèves. Mais nous n’avons reçu aucune demande ou message en retour. Même silence suite à l’expo de photos sur Srebrenica et projection de films avec débats, réalisés avec le soutien de la Ville et du Canton de Genève en juin 2015. Ivar constate enfin que même à Genève, il n’y a aucun professeur qui maîtrise le sujet et qu’il n’y a donc aucune étude sur la problématique de la Bosnie-Herzégovine.
- Promotion de la marche : Topo-guide ? Organisation d’un Crowdfunding ? Intervention dans les établissements scolaires et universités ? Présence sur les réseaux sociaux ? Ce sera en tout cas un travail à long terme.
Nous nous séparons après 1h30 de débat et d’échanges autour d’un café. C’est un sentiment mitigé qui m’habite en cette fin de réunion. La fierté d’avoir pu jouer, même modestement, mon rôle de colibri mais aussi le sentiment de me retrouver une nouvelle fois devant un mur de béton, armés par la bêtise humaine et les intérêts politiques et profits financiers qui régissent notre monde. Alors, avant de nous séparer et pour rester sur une note positive, nous avons remis à Djile nos 2 banderoles de la paix, porteuses d’espoir et de messages solidaires écrits par des gens de bonne volonté. Chacun des marcheurs a repris sa route, la nôtre va nous conduire dans le petit village de Burnice.